samedi 25 août 2012

Essais-Peche

Lever de soleil sur la mer de Chine
Étape ultime avant la livraison du navire, chacun de nos thoniers doit prendre le large pour tester le bon fonctionnement de tout le gréement de pêche. Ce que nous appelons, "essais-pêche" ne sont en pratique qu'une mise en situation de pêche au thon, mais en espérant pour cette première fois ne rien prendre dans le filet!

J'avais participé à ceux du MANAPANY, puis malheureusement occupé ailleurs je n'avais pas pu prendre la mer pour les deux suivants. Les essais du BELOUVE m'ont permis de rattraper le retard.
Le filet est un immense rideau, de 1800 m de long et d'un tombant de plus de 300m, avec une poche qui plonge encore plus profond. Afin de limiter les risques de perte totale du filet par crochage sur le fond en cas de problème, il faut aller chercher de profondeurs supérieures à 1000m. Le tombant du plateau formé par les alluvions est repoussé par le puissant Mékong à plus de 150 miles des cotes du Vietnam.
Nous quitterons donc le quai le soir vers 16h, à marée haute, et descendrons le fleuve à 14/15 noeuds, le courant aidant jusqu'à VUNG TAU ou nous débarquerons le Pilote à la nuit tombante, avec devant nous une nuit de mer qui nous permettra d'arriver sur la zone d'essai à l'aube. L'essai est programmé à 6 heures du matin.

La pluie balaye le pont arrière dans la nuit
La descente du fleuve se fait sous un orage permanent, les nombreux éclairs créant une atmosphère ensorcelée, les rives du fleuve puis les montagnes de VUNG TAU surgissant sous la lumière métallique des éclairs. De temps en temps, une barque de pécheur ou un autre navire surgissent eux aussi du milieu de la nuit. La pluie violente qui tombe continuellement ne permet malheureusement pas de passer du temps sur le pont, et c'est de la timonerie plongée dans l'obscurité pour ne pas éblouir les hommes de veille, que je vois défiler les bouées du chenal, laissant la dernière vers 20h30 ayant devant nous la mer du Chine toujours tourmentée par les orages. Au menu de ce premier repas, une salade de thons-mais, suivi d'un beau morceau de poulet cuisiné à la Réunionaise accompagné de frites, et pour finir, un plateau de fromage et une coupelle de compote de pomme.
Après une dernière tentative de prendre l'air toujours contrariée par la pluie il est temps d'aller dormir.
5h15 le matin suivant, le jour est déjà levé et c'est sous un ciel dégagé que je peux entreprendre un tour sur le pont et capturer cette photo du lever de soleil.

6h, tout l'équipage est sur le pied de guerre pour lancer l'opération.
Coup de corne, le Skiff est lâché à l'arrière du thonier, emmenant avec lui une extrémité de la senne qui se déploie à la vitesse de route du navire, soit environ 14 noeuds. Le capitaine amorce alors un long virage qui doit lui permettre d'encercler les poissons en revenant à son point de départ. Les minutes sont longues et l'on prend bien conscience de la longueur du piège. 
Avec le filet se déroule (filée) la coulisse, un gros câble enroulé sur un treuil qui permettra le moment venu de fermer le bas de la nasse. La partie basse de la senne est lourdement chargée de chaînes qui l'entraînent vers le fond, alors que le haut est bardé d'une succession de flotteurs en liège.
Le Skiff est enfin rejoint, le point fixe du filet transféré sur l'avant du Thonier, commence à ce moment une course contre la montre pendant laquelle les deux extrémités de la coulisse sont remontées (virées) le plus rapidement possible. Il arrive au dire des marins que le banc encerclé profite de ces quelques instants pour entièrement disparaître, soit vers le fond, soit au travers d'une dernière fenêtre encore ouverte avant la fermeture définitive de la poche, ne leur laissant plus aucune chance de s'échapper. 

La remontée de la toile
La poche fermée, c'est alors que l'équipage rentre dans le jeu pour remonter la "toile" et réduire ainsi la taille de la nasse jusqu'à ce que tout le poisson soit concentré sur le flanc du navire. La remontée de la toile, est une opération délicate et épuisante, qui mobilise la quasi totalité des marins. Le filet est pincé dans une énorme poulie motorisée "Power bloc", située à plus de 10m au dessus du pont, qui le tire hors de l'eau et le laisse redescendre sur la plage arrière. Les hommes s'agrippent de toute leur force sur les mailles, s'efforçant de leur mieux de le guider et de le disposer habilement sous les ordres du bosco, en vue du prochain coup de filet, le tout sous une pluie d'eau de mer. L'équipage était incomplet et j'ai donné un coup de main à cette manoeuvre qui peut durer près d'une heure.
La dernière étape est de sortir les poissons de l'eau pour les déverser dans les cales, ce qui se fait à l'aide d'une sorte de grosse épuisette nommée "salabarde", puis de remonter par le coté les derniers mètres due la senne. Nous n'avons évidemment rien pris.
L'essai s'est déroulé sans incident, juste quelques erreurs de manoeuvre dues aux défauts de prise en main du navire par son nouvel équipage.


Le BELOUVE, 4eme thonier fabriqué au Vietnam

Le route retour est immédiatement engagée, cette fois à pleine vitesse de 17 noeuds, avec pour objectif de ne pas rentrer trop tard dans la nuit.
Repas de midi dévoré, je me suis permis une petite sieste dans ma cabine, avant de retrouver tout le monde sur le pont pour un débrieffing des essais.
L'arrivée au port s'est faite vers 23h, alors que nous étions encore à table en train de discuter. Un des boscos, un peu chargé, a clôturé la sortie en baissant son pantalon, sa manière à lui de montrer qu'il était fier d'avoir été capable d'envoyer la touline aux lamaneurs sur le quai  !
 

5 commentaires:

anne et JP a dit…

bravo
merci mon Jean pour cette leçon de pêche.je suis persuadé que tu as beaucoup aimé cet exercice où tu vois en pratique l'oeuvre de tes mains(et de ta tête)
on t'embrasse.papa maman

Patricia a dit…

certainement impressionnant et ...émouvant même s'il n'est pas le premier à avoir été conçu avec tes neurones ! Et, puis essai réussi donc satisfecit !!!

Hélène a dit…

2 kilomètres de filet et 48h en mer pour même pas ramener un maquereau, c'est quoi ces pêcheurs d'eau douce ?
C'est pas comme ça que tu vas nourrir ta petite-fille ! N'empêche que c'est un beau récit, qui fait voyager et rêver... la mer de Chine, je l'imagine grise (comme l'encre de Chine) et pas bleue. Bravo pour le Belouve, un bien beau bateau, propre et moderne. Combien de chalutiers te reste-t-il à faire ? Et qui choisit les noms ?

Jean-Marie a dit…

Les noms sont choisis par l'armateur, ce sont tous des sites remarquables de La Reunion.
FRANCHE TERRE, MANAPANY, DOLOMIEU, BERNICA, BELOUVE.
Nous en avons 2 autres en chantiers qui seront sous pavillons Mauriciens, les noms devraient s'adapter au nouveau pavillon

agathe a dit…

Tu as tiré su un filet papa !
Tu as du être bien content de pouvoir participer! Et cette sortie en mer devait être émouvante.
C'est drôle tout de même qu'il n'y absolument rien dans la nasse.
En tout cas merci pour la description, on a souvent des copains qui nous demandent comment ça marche, maintenant on saura bien expliquer.