samedi 12 décembre 2009

J'ai Vu

J’ai vu une femme qui écopait devant chez elle la rue inondée, armée seulement d’une pelle à ordure… elle versait méticuleusement l’eau dans une bouche d’égout, elle même un peu plus élevée que le niveau de la route,

J’ai vu le niveau de la rivière les jours de grande marée monter jusqu’à recouvrir les rues, j’ai vu les motos rouler dans l’eau noire, le pot d’échappement totalement immergé, les clients imperturbables des restaurants inondés, simplement lever les pieds pour achever leur repas,

J’ai vu un camion-benne, basculé sur ses roues arrières, la cabine du conducteur deux bons mètres plus haut que la route, plus dure sera la chute,

J’ai vu une Rolls blanche garée derrière une Porsche Cayenne dorée, une Ferrari rouge incapable de franchir les ralentisseurs du quartier, trop hauts pour sa garde au sol,

J’ai vu des milliers d’employées sortir des usines d’un sous-traitant de Nike, un remake quotidien des grandes manifestations parisiennes, rien que des femmes, toutes habillées de la même tenue à l’exception d’un détail : la couleur du col de leur polo… sans doute en référence à leur atelier.

J’ai vu des flots de voitures, de camions, de motos, s’agglutiner sur toute la largeur de la chaussée de part et d’autre d’un passage à niveau, faces contre faces, de sorte qu’il leur faudra des heures pour repartir une fois le train passé,

J’ai vu des chauffeurs de taxi démarrer en seconde, caler aux feux puis redémarrer en prise, doubler en 5eme sans même accélérer, rouler sur l’autoroute à 40km/h, prendre le file de droite avant de tourner à gauche, ne pas avoir de monnaie, ne pas savoir comment remplir un reçu, ne pas avoir de reçu… ne rien comprendre ! On devrait toujours descendre des taxis comme ceux-là.

J’ai vu des vielles femmes balayer le bord des routes, remonter les petits tas de poussière sur le trottoir avec une truelle, et 100 m plus loin sur le même bas coté, une balayeuse automatique en action, plus loin encore, j’ai vu une toupie à béton vider malencontreusement une partie de son chargement sur cette même route, pauvre route.

J’ai vu ces mêmes femmes couper l’herbe aux ciseaux, ramasser à la pince les déchets jetés par les fenêtres des voitures, des bus et des camions,

J’ai vu les familles lancer tout au long du parcours du corbillard des copies de Dollars américains afin que le défunt ne manque de rien dans l’au-delà, et toujours ces mêmes femmes ramasser inlassablement ces fichus papiers,

J’ai vu un matelot sauter à l’eau pour apporter jusqu’au quai l’amarre de son bateau,

J’ai vu un plongeur s’enfoncer sous la coque de notre bateau et nettoyer les prises d’eau, sans masque les yeux fermés, avec seulement un tuyau d’air comprimé dans la bouche pour respirer, il en est ressorti,

J’ai vu des rats, des cafards, des serpents, j’ai vu des bougainvilliers des hibiscus et des jasmins,

Je ne connaissais pas le Vietnam, mais ce que j’en ai vu me fait autant sourire que froid dans le dos.

4 commentaires:

Patricia a dit…

Rire ou pleurer? quelquefois si peu d'alternative !..

anne et JP a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
anne et JP a dit…

J'ai encore lu ce texte. Il faut le relire pour prendre conscience de la réalité des choses.Notre vie est tellement différente et on a du mal à imaginer. Et pourtant la vie continue

anne et JP a dit…

Il faudra faire un séjour en Afrique. cela n'est sans doute pas très différent.