lundi 16 avril 2007

Anse couleuvre - Grand Rivière




Cela faisait si longtemps que j’attendais un moment comme celui-ci.
Assis à la terrasse de l’appartement dans un fauteuil en rotin soigneusement recouvert de 2 (deux) coussins, un ti’ Punch bien frappé servi dans un verre de la distillerie Clément, quelques cacahouètes, et trois ou quatre boudins achaté ce matin au «Royaume du Boudin », mon fournisseur préféré. Le soleil se couche. L’ordinateur est ouvert sur la table devant moi, je me lance dans l’écriture de quelques lignes en écoutant un de mes chanteurs préféré, je vous laisse deviner ma « playlist ». Je suis aux anges !!!
Plaisir simple mais tellement désiré que j’en oublie presque la belle randonnée que je viens de parcourir aujourd’hui.
La Pelée comme on l’appelle ici, volcan tristement célèbre depuis son éruption du 2 mai 1901, domine le nord de la Martinique de ses reliefs accidentés. Ses flancs sont si abrupts dans l’extrême nord de l’ile, qu’aucune route ne relie le village de Grand Rivière sur la cote Atlantique, à celui du Prêcheur situé lui, sur la cote Caraïbe. Aucune route pour les voitures, mais il existe un chemin qui serpente sur 20 km et qui permet de faire à pied la jonction.
Il faisait beau les jours derniers, et les prévisions étaient bonnes pour aujourd’hui, je me suis donc lancé dès l’aube. Départ de l’appartement à 7h30 sous un ciel menaçant, il pleut averse lorsque j’arrive à Rivière Salée, premiers doutes.
A Fort de France, les nuages offrent quelques belles percées et laissent passer le soleil déjà haut dans le ciel, je prends espoir. Mais l’arrivée à Saint Pierre est une catastrophe. Non seulement il pleut, mais la cote est noyée dans un épais brouillard, comme si les nuages avaient décidés de se poser sur la mer. Le doute s’installe.
Essuie-glace et phares allumés, je continue mon chemin vers le nord. Il y aura bien un bistro quelque part ou je pourrais boire un café avant de renter.
Heure de sortie de messe au Prêcheur, tous les paroissiens ont agrémenté leurs vêtements du dimanche d’un accessoire indispensable : le parapluie. Plus de doute, je vais voir la mer et je rentre chez moi !
Arrivé à l’Anse Couleuvre, la route qui petit à petit avait rétréci, s’interrompt complètement autour d’un semblant de rond point déjà bien encombré.
D’autres comme moi sont là, n’osant pas sortir de leur voiture sous la pluie averse. Un randonneur plus matinal revient sur le chemin, dépité et trempé.
Il est 9h30, qu’est ce que je risque ? Le temps que je lasse mes chaussures, la pluie s’est arrêtée, que je prépare mon sac et déjà des tâches de ciel bleu apparaissent. Le randonneur matinal est reparti bougonnant au volant de son 4x4, moi je m’enfile un dernier boudin avant de prendre le chemin, 20 km m’attendent.
Le début est facile, même si la piste est bien mouillée, le chemin monte en pente douce et le temps se dégage. La forêt tropicale humide regorge de fleurs.
Ceux qui marchent régulièrement en montagne savent qu’on ne parcoure pas 18km la fleur au fusil, surtout lorsque la température frôle les 30°C. Les épices contenus dans les boudins que je viens d’absorber accentuent la sudation. Premier coup de barre après 1h15 de marche, je m’assois sur une grosse pierre et sort de mon sac un pain au chocolat qui se révèle rapidement être un friand à la saucisse, déception.
Je croise quelques groupes venant en sens inverse, mais ne double personne. La piste s’éloigne de la mer, monte dans la montagne et s’enfonce dans la forêt tropicale. La végétation est luxuriante, les arbres de plus en plus gigantesques déploient des lianes immenses, le relief est escarpé, et le chemin rétréci devient plus délicat. On passe plusieurs cours d’eau à gué, leur débit n’est en général pas très violent, il paraît qu’on peut remonter assez loin dans le lit des torrents. J’ai chaud et pour me rafraichir, je plonge ma tête dans une petite cascade. De toute façon je suis tellement trempé de sueur que mon aspect extérieur ne doit pas se dégrader davantage.
Faire le chemin seul ne me stresse pas, même si je me sens très loin de tout, mais je reconnais m’être posé des questions sur mon salut lorsque j’ai croisé un groupe de jeune Martiniquais qui se relayaient pour porter l’un d’entre eux qui s’était manifestement abimé la cheville, à deux heures de marche du premier parking….
L’expérience du pain au chocolat m’a refroidi, je me contente de boire de l’eau régulièrement. Au Cap saint Martin, le pointe Nord de la Martinique, le point de vue est dégagé et me permet de prendre en photo l’Ile de la Dominique qu’on aperçoit au loin dans la brume.
A midi et quart, je croise un groupe de marcheur ayant quitté Grand Rivière au même moment que je quittais l’anse Couleuvre. Mi-parcours, déjà le village de Grand Rivière apparaît dans les méandres du chemin. Je suis impressionné par l’altitude à laquelle passe la piste, ça explique en partie la fatigue.
La fin du parcours est rapide, toute en descente, j’ai même envie de courir par moment tant le chemin s’y prête. Les premiers champs apparaissent, la civilisation s’impose à nouveau. Bananiers, papayers, quelques plants de légumes locaux, une vache, des coqs, un cochon endormi dans la boue, une chèvre qui bèle dans mon dos me faisant sursauter, je suis arrivé au village de ces « Pauvres pêcheurs » après 4h30 de marche.
Reste le problème du retour. J’étais parti confiant et j’avais bien fait. Un bateau de pêcheur attend les touristes comme moi et les ramène en moins d’un quart d’heure à leur point de départ. Etant seul, je me suis intégrer facilement au premier groupe en partance. Le moteur ne marchait vraiment pas bien, décidemment, ils n’ont pas de chance ces pêcheurs du nord.

5 commentaires:

anne et JP a dit…

Tu vas la regretter la Martinique !Attention de ne pas te perdre. Ici nous avons un temps magnifique. Presque la canicule. Bonne continuation.

anne et JP a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
anne et JP a dit…

En fait, en me relisant, j'ai constaté que j'avais oublié un mot, ce qui rendait ma phrase absurde.
J'avais lu le texte seule en le découvrant. Avec papa on l'a relu, carte à l'appui. C'est une belle ballade qui méritait bien un ti punch en effet. Les pluies aux Antilles sont de véritables averses mais on sèche très vite. Tu nous fais envie avec tes petits boudins. On n'en trouve pas de semblabes en métropole.

anne et JP a dit…

Mon commentaire indique 9h10. En fait il est 18h10....

agathe a dit…

bravo pour le boudin du matin avant la balade.
Ariane a eu la même mésaventure que toi, aux Açores on s'était trouvé toutes les deux tranquilles dans un tout petit café regorgeant de patisseries alléchantes, elle a pris un fourré à l'aspect engageant... beignet à la viande. Moyen avec le chocolat chaud.
Pourquoi n'as tu pas couru quand tu en avais envie?
Elle a l'air chouette ta balade.
balade ou ballade? je ne sais jamais