mercredi 17 janvier 2007

De l'autre coté de la rade


Je suis venu en Martinique pour assurer la coordination des travaux de remise à niveau d’un patrouilleur de la marine. Ce petit bateau de 53m est habituellement affecté dans les eaux de la Guyanne française, et assure une mission de surveillance des pèches dans les eaux territoriales. Bien que peu armé, seul un petit canon à l’avant, il participe régulièrement à des manœuvres communes avec les autres flottes de la Caraibe, en particulier pour lutter contre les trafiquants de drogue.
La Capricieuse, fait partie d’une série de patrouilleurs construits à Cherbourg dans les années 1985, comme La Fougueuse, L’Audacieuse, etc,… mais qui ont tous connu de gros problèmes à leur mise en service, ce qui a fait dire un jour à Coluche qu’on avait oublié de construire La Dépanneuse…
Une remise à niveau consiste à démonter et contrôler tout le système de propulsion, à vérifier partout l’état de la coque, plus un bon coup de barbouille pour cacher la misère qu’on ne réparera sans doute jamais. Encore une dizaine d’année à tenir…
Les travaux sont prévus sur un peu plus de quatre mois, et s’achèveront par une vérification des performances normalement retrouvées, au cours d’une semaine d’essais à la mer.
J’ai reçu la distinction d’un grade que je ne connaissais pas, on m’a nommé « Maître de Chantier », ce qui sonne plutôt mieux que conducteur de travaux. Le job consiste à faire l’interface entre les entreprises intervenantes, mécaniciens, électriciens, peintres, chaudronniers et notre client, le service de soutien à la flotte, Interface veut dire que je m’assure que chacun fait bien ce qu’il a à faire, quand cela doit être fait, selon les règles de l’art, et que j’en rend compte à la Marine au cours d’une réunion quotidienne !
Le démarrage s’est bien déroulé, si ce n’est un problème de dédouanement des containers venus de métropole et contenants les outils, les vêtements de travail et la pièces de rechange. Ce qui a fait que les électriciens par exemple, se sont présentés le premier jour sur le site en tenue qui relevait davantage du camping, tongues et pantacourts, que d’un bassin de carénage.
Qui aurait cru que nous ayons des problèmes de dédouanement, ici, en France, en Europe même. On nait et on reste douanier pour la vie !! J’ai entendu dire que le container le plus décortiqué était celui de DCN.
La zone de carénage est en plein centre de la ville, juste de l’autre coté du fort qui abrite la base navale. Une cale sèche, deux quais de part et d’autre de la darse, des bâtiments en ruine et des tas de ferraille en vrac, rien qui ressemble plus à toutes les autres cales sèches que je connaisse. Autour de la darse sont regroupées les entreprises locales, qui reversent une part de leur chiffre d’affaire au parrain du coin qui par ailleurs gère l’occupation des quais et bassin.
ENA, Entreprise Nouvelle Antillaise, qui réalise des travaux de chaudronnerie m’a proposé un bureau dans son bâtiment, sans doute le mieux entretenu de tous.
Bureau que je partage avec Vincent FAUJOUR, patron d’une société lorientaise qui s’occupera de la révision des moteurs. Vincent, que je connais depuis longtemps et que j’apprécie, est arrivé en même temps que moi et restera pratiquement pour les quatre mois.
Le bureau tout en longueur donne sur l’arrière cour. Ses mûrs sont un peu défraichis, mais dans l’environnement local, je me considère comme un privilégié. Et puis surtout, je profite de l’équipement de l’entreprise, internet haut-débit, téléphone, photocopieur, même de la cafetière. Et puis il y a la secrétaire qui m’a apporté fièrement, il a quelques jours, la première enveloppe de réexpédition

Jusqu’à aujourd’hui, je m’étais rendu tous les jours au chantier en voiture, à peine 35 km sur la carte. Mais quelle galère. J’ai essayé de partir très tôt (5h45) ou plus tard (7h), à chaque fois je me suis retrouvé coincé dans un bouchon interminable qui commence dès l’entrée de la voie dite rapide : entre 1heure et 1heure et quart, entouré de sauvages de la route, qui déboitent, changent de file, s’incrustent en force, remontent la file sur les bas cotés, coupent au travers des stations service, et avec pour seul soutien France Inter mais malheureusement à l’heure de Stéphane Bern… Et le soir, on remet ça, et il n’y a qu’un jur ou je suis rentré après huit heures que j’ai roulé a peu près correctement.
Donc aujourd’hui, j’ai pris le bateau. Je savais que ce serai plus rapide. Ce fut un miracle, 40 minutes de porte à porte. Demain je recommence.
La compagnie maritime s’appelle « Les Pétrolettes », et en effet les bateaux de couleur orange font penser à de vieux tacauds pétaradants. Depuis ma chambre, j’entends le bruit des moteurs qui démarrent le matin, pas de risque de raté le départ, quand aux manœuvres, j’ai bien failli tomber ce soir lorsqu’on a touché le quai avec un peu de vigueur.

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